Jamais dans l’histoire de la médecine moderne, une crise de cette ampleur n’a eu lieu. Dramatique, elle est la cause de milliers de malades, de décès et de douleur partout en France. Elle révèle aux yeux des Français que notre premier bien est la santé, avant l’économique.
Notre système de santé et nos décideurs ont été pris de court et c’est normal, devant la rapidité de l’épidémie et son ampleur. Problèmes d’approvisionnement en matériel : masques, tenues, gels etc… mais aussi capacité de notre offre de soins à accueillir les milliers de cas, notamment en hospitalisation et en réanimation. Les décisions sur le confinement sont effectives mais leur respect n’a pas été assez effectif, malgré de nombreux rappels à l’ordre.
Nous avons vu des querelles intestines sur la chloroquine, les recherches du Pr Raoult, les meilleures thérapies à mettre en œuvre, le manque de tests de dépistage, et maintenant les positions multiples sur un dé confinement, loin d’être acquis à ce jour.
Mais mon propos n’est pas de « tirer sur l’ambulance », ni de critiquer les décideurs en place, qui font au mieux, dans des conditions exceptionnellement difficiles. Et la mobilisation de notre système de santé et des soignants a été exemplaire.
Les dysfonctionnements ont été patents au plan européen, car la santé ne fait pas partie des prérogatives européennes. Peu de capacités à se mettre d’accord sur une position stratégique commune, pas assez d’échanges rapides sur les avancées scientifiques et médicales, pas de mutualisation de matériel médical.
En France notre système de santé a révélé ses failles historiques : manque criant depuis longtemps de coopérations entre le secteur privé et le secteur public, de coopérations entre l’hôpital et la ville, avec le secteur médico-social…
Les raisons de ces dysfonctionnements sont multiples : un Etat trop centralisateur, qui ne s’appuie pas assez sur les régions, les territoires, les élus et les acteurs de santé ; sans parler des patients loin d’être de vrais partenaires, à quelque niveau que ce soit.
Un système de gouvernance où le niveau national pense pouvoir tout régler de Paris. Des relais régionaux avec des ARS, qui cherchent encore leurs missions et sans pouvoirs réels, à la différence des ARH d’antan , qui pilotaient uniquement les établissements de santé, travaillaient activement et courageusement à la recomposition de l’offre de soins, bénéficiaient de marges de manœuvres réelles et pouvaient utiliser les leviers des budgets, avant la mise en place de la T2A.
Des établissements publics consommant trop d’énergie à régler des différends internes (qui doit avoir le pouvoir : les directeurs dits « administratifs » ou les médecins ?) et des soucis de bouclage budgétaire.
Des établissements privés mis à contribution trop tardivement. Des médecins de ville libéraux se demandant à quoi ils servent, pourquoi leurs cabinets sont vides et si on peut penser à eux pour accompagner utilement la crise.
L’offre de soins repose sur un trépied constitué des établissements publics de santé, des cliniques privées (libérales et non lucratives) et de la médecine de ville. Les décideurs publics n’ont pas le réflexe d’associer systématiquement les 3 secteurs pour trouver des solutions idoines, notamment en temps de crise.
Il faut absolument responsabiliser les acteurs, donner la parole à ceux qui œuvrent sur le terrain, relancer les vraies coopérations territoriales, supprimer les « usines à gaz » administratives et réduire le nombre de pages du Code de Santé Publique.
Un vrai débat a débuté pour l’après Covid-19 ; il est salutaire et nos dirigeants doivent entendre ce que l’ensemble des acteurs et opérateurs prônent, avant de décider d’un nouveau système de santé plus efficace, de qualité, répondant aux vrais besoins, compatible avec ce que nous voulons et pouvons investir sur le plan économique.
Article également paru le 24 Avril 2020 dans le magazine Décision & Stratégie Santé
Didier Haas Ancien conseiller de l’ARH des Pays de la Loire,
Ancien directeur général de la clinique Jules Verne à Nantes,
Ancien délégué général du Groupe Hospitalier de la Mutualité Française
Fondateur des Rencontres Santé de Nice.